Cet ensemble de conférences sera consacrée à l’évolution myopique chez l’enfant. Après avoir évoqué les complications liées à ce problème avec Thibaud Thaëron, nous ferons le point sur les moyens mis à notre disposition pour tenter de la maîtriser avec le Dr José Manuel Gonzalez-Méijome. Puis nous verrons comment l’examen de la vision binoculaire de l’enfant va nous aider à choisir la meilleure option pour lui avec la conférence du Dr Marino Formenti et enfin, si l’association entre port de lentilles et les outils thérapeutiques offre de nouvelles perspectives, par le Dr Jaume Pauné. 

La myopie évolutive est le résultat d’une interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux et sa progression est attribuée au manque d’exposition à la lumière extérieure ainsi qu’à un excès de travail de près. La myopie est à l’origine de nombreuses complications dont la fréquence augmente avec l’accroissement de la longueur axiale qu’il importe donc de réduire pour en limiter l’impact socio-économique.

La freination de la myopie repose sur des techniques optiques, pharmacologiques et environnementales.

Parmi les diverses mesures optiques actuellement proposées (lunettes bifocales, bifocales prismatiques, verres progressifs, lentilles de contact souples multifocales et orthokératologie), l’orthokératologie semble la plus efficace avec un effet freinateur voisin de 50 % sur la longueur axiale (LORIC study, 46%, ROMIO study,43% et TO-SEE study, 52%).

Les méthodes pharmacologiques font appel aux collyres antimuscariniques, dont l’atropine à des concentrations variables est le principal représentant. L’atropine à 1% a été utilisée pour son effet freinateur sur la myopie dès les années 1990. Elle est très efficace mais son usage est limité par ses effets secondaires (mydriase, cycloplégie…) et par un important effet rebond à l’arrêt du traitement. L’efficacité de concentrations plus faibles (0,5%, 0,1%, 0,01%) a été étudiée plus récemment dans l’étude ATOM2. L’atropine à 0,01% a permis dans cette série de réduire de 50% la progression de la myopie (ES) sans effets secondaires notoires et avec très peu d’effet rebond. L’augmentation de la longueur axiale reste cependant significative à cette faible concentration. (0,41 +/- 0,32 mm/2 ans).

L’étude LAMP qui est actuellement en cours a quant à elle pour but d’évaluer l’efficacité des concentrations d’atropine à 0,05%, 0,025% et 0,01% versus placebo. Seuls les résultats à 1 an de la phase 1 ont été publiés. L’atropine à 0,05% est la plus efficace à 1 an avec une freination de 67% de la myopie (ES) et de 51% pour la longueur axiale alors que l’atropine à 0,01% n’a permis de réduire la myopie que de 27% (ES) avec une réduction de la longueur axiale (12%) non significative. Il faudra néanmoins attendre la publication des phases 2 et 3 de l’étude pour savoir si ces résultats très prometteurs de l’atropine à 0,05% se confirment à long terme et surtout s’il y a aussi peu d’effet rebond qu’avec l’atropine à 0,01%.

Bien que l’atropine ait été jugée en 2016 par la World Society of Paediatric Ophthalmology comme étant la méthode la plus efficace pour freiner la myopie, son utilisation reste encore très confidentielle en Europe car contrairement aux pays asiatiques elle n’y est pas commercialisée à ces faibles concentrations. En France elle est uniquement préparée par les pharmacies de quelques CHU sur prescription d’un praticien hospitalier. Il s’agit d’autre part dans cette indication d’une utilisation hors AMM. La mise sur le marché Européen d’atropine à faible concentration est cependant attendue dans les prochaines années.

Les mécanismes d’action de l’atropine et de l’ortho-K ne sont pas connus avec certitude mais ils agissent vraisemblablement par des moyens différents. L’ortho-K semble agir par le biais d’une réduction du défocus hypermétropique périphérique alors que l’atropine agirait au niveau des récepteurs anti-muscariniques de la rétine et de la sclère. Les études en cours suggèrent qu’une combinaison de ces deux méthodes, associées à une plus large exposition à la lumière naturelle, permette de ce fait d’obtenir un effet synergique qui pourrait être particulièrement bénéfique.