Les nouvelles sources de lumière artificielle sont plus riches en lumière bleue. De nombreux travaux (Figueiro, Overington et al 2015 ; Ostrin et al 2017) ont montré que la lumière le soir pouvait perturber la qualité du sommeil et des rythmes circadiens, d'autant plus chez les sujets plus jeunes qui montrent le plus forts taux de suppression de la mélatonine, hormone de la nuit, particulièrement sensible à la portion circadienne de lumière visible centrée à 480 nm (bleu-vert). L'ANSES confirme ce risque dans son rapport rendu en avril 2019 sur les effets des LED sur la santé humaine . Cet exposé rappelle les mécanismes circadiens d'entraînement chronobiologique par la lumière et montre les effets potentiellement néfastes d'aller à l'encontre des nouvelles recommandations nourries de la littérature scientifique sur le besoin individuel de 'la bonne lumière, avec la bonne intensité et le bon spectre (température de couleur), au bon moment de la journée'. Thierry Villette illustre ses propos d'une part par une revue d'études menées depuis la découverte en 2002 des cellules ganglionnaires à mélanopsine et des études récentes, d'autre part par les résultats d'une étude clinique réalisée par Essilor utilisant des lunettes filtrantes de photoprotection sélective portées le soir pour préserver la qualité du sommeil et des rythmes ou encore par l'Institut de la Vision (Alkozei et al 2016, chaire Silversight IDV-Essilor-ANR) sur l'effet stimulant de la lumière circadienne sur la vigilance et la mémoire de travail qui crée (imagerie IRMf) des changements temporaires dans les zones du cerveau associées aux fonctions exécutives. Cet exposé couvrira enfin la connaissance à jour du rôle aggravateur présumé de la lumière bleue des écrans sur la fatigue visuelle et la sécheresse oculaire.

Ces vingt dernières années, trois révolutions scientifiques et technologiques ont déclenché un regain d'intérêt de la communauté scientifique en photobiologie de la lumière bleue et un questionnement et travaux des cliniciens sur le rôle de cette lumière dans l'étiologie ou la progression de maladies oculaires et autres syndromes tels que la fatigue visuelle, la sécheresse oculaire, la photoallodynie. L'usage intensif des smartphones et tablettes a modifié les comportements visuels, créé plus de fatigue oculaire et accru l'exposition à la lumière bleue des écrans utilisés à plus courte distance de l'oeil. Le remplacement des sources de lumière incandescentes, halogènes ou fluoro-compactes par des LED riches en lumière bleue (surtout en 'blanc froid') aussi bien dans les écrans que l'éclairage fait peser des risques potentiels sur la santé bien décrits par le denier rapport de l'ANSES d'avril 2019. Enfin, la découverte en 2002 des cellules ganglionnaires à mélanopsine et les études de chronobiologie qui ont suivi ont montré l'importance des fonctions non visuelles de l'oeil et du rôle de cette autre lumière bleue (bleu-turquoise) dite circadienne à des moments précis de la journée pour la régulation de nos rythmes et notre bien-être (sommeil, cognition, vigilance etc.). Il n'est donc pas surprenant que l'industrie de l'optique ophtalmique ait développé depuis une douzaine d'année des solutions de verres de photoprotection sélective, soit contre la lumière bleu-violet (415-455 nm) et son potentiel nocif pour un vieillissement accéléré de la rétine, particulièrement chez des sujets à risque, soit contre d'autres portions de lumière bleue associées à d'autres déséquilibres physiopathologiques. Thierry Villette rappellera les mécanismes photobiologiques de stress oxydant déclenchés par la lumière bleu-violet au niveau de la rétine et exposera les travaux d'Essilor et de l'Institut de la Vision sur l'exploration fine de la dépendance en longueur d'onde de ces mécanismes sur le RPE et les photorécepteurs (Arnault et al Plos One 2013 ; Marie et al Cell Death & Dis. 2018). L'exposé couvrira également des travaux récents sur le rôle aggravant de la lumière bleue sur la sécheresse oculaire ou encore la photoallodynie.